Le terme « algorave », pour « algorithmic rave », désigne une tendance électronique où les participants codent en direct leurs performances musicales. Ce mouvement peut être perçu comme la rencontre entre la philosophie du hack, la culture geek et le clubbing.
Lors des soirées, les producteurs et le public sont invités à visualiser simultanément le code de la musique jouée, écrit en temps réel et projeté sur un écran géant.
Une vaste communauté, inclusive et transparente, s'est constituée autour du live-coding grâce à l'accessibilité à des environnements en open-source comme SuperCollider, TidalCycles, Gibber, ixi lang et Extempore, développés par les musiciens eux-mêmes.
Le live-coding demeure plus une technique qu'un réel genre musical. Certains l'utilisent pour faire de la musique électro-acoustique plus tournée vers le son que vers le rythme. Dans l'algorave, le résultat couvre tout le spectre de la musique électronique du gabber au drone, du glitch à l'ambient. La scène définit elle-même sa musique comme des sons complètement ou partiellement caractérisés par l'émission d'une succession de conditionnelles répétitives. Et les live-coders y collent des étiquettes aussi diverses que « glitch cellular automata », « algokraut », « ambient gabber » ou encore « datapop ».
Les algoraves adoptent les sons des raves du passé et y introduisent des rythmes et beats étranges et futuristes par la manipulation improvisée des programmes. Le résultat est brut, lo-fi et erratique. Parfois contradictoire, maladroit et incohérent, parfois excitant, imprévisible et captivant.
La diffusion online des morceaux, s'opérant également sous des formats open-source, permet une mise disposition de toutes les informations sur le processus de composition lui-même. Alex McLean de Slub souligne que la programmation a toujours été quelque chose d'élitiste. Mais la facilité d'accès des langages du live-coding permet une pratique collective et en public. On y retrouverait le principe du mouvement punk mais aussi celui de l'impro en jazz. Pour Alexandra Cárdenas, cette pratique est une libération esthétique et technique du consumérisme, en réponse à la lassitude des limitations imposées par les softwares commerciaux.
Travaillant au niveau même de la génération des sons, des notes et des rythmes grâce à l'accès à l'information source, la musique reste nécessairement un ensemble de données dynamiques à traiter et non un simple enregistrement statique. Arrivé à une époque technologique où le processus de composition peut quasiment être pris en charge par des intelligences artificielles capables de générer des mélodies, les programmeurs pourraient bien être les nouveaux les DJs.
Pour approfondir / sources :
Tom Cheshire, Hacking meets clubbing with the 'algorave' (2013)
Daniel Dylan Wray, 'Algorave' Is the Future of Dance Music (if You're a Nerd) (2013)
Steph Kretowicz, Algorave: the live coding movement that makes next-level electronic music (2017)
Elsa Ferreira, Et Sheffield inventa l’algorave... (2017)
Iman Amrani, Run the code: is algorave the future of dance music? (2017)
Thomas Ducres, Après avoir influencé la techno et la New Wave, Sheffield invente l’Algorave (2017)
ARTE Tracks, Live coding and algorave (2013)
Alex McLean @ TEDx, Algorave: algorithmic dance culture (2017)